Le jour des fourmis

Le 16 juillet, Astrid de Niederschaeffolsheim a fêté en famille l’anniversaire de sa fille Florence (ce qui nous permet au passage de confirmer qu’il y a bien  une fille qui s’appelle Florence à Niederschaeffolsheim alors qu’il y a, à notre connaissance, aucune fille qui s’appelle Niederschaeffolsheim à Florence). Bref, ce sont les quatorze ans de Florence, la benjamine des trois filles d’Astrid, qui a bien du mérite d’élever seule trois enfants avec un salaire d’aide-soignante à la maison de retraite du coin, salaire que l’on ne qualifiera pas de misérable car nous ne sommes pas chez Victor Hugo mais qui est loin d’être confortable. Elle a quand même réussi à organiser une petite fête familiale au cours de laquelle elle a annoncé que le cadeau d’anniversaire de Florence serait une petite virée mère fille dans le sud. Une petite semaine avec la mer en point de mire et un détour par le pays Basque, pays que Florence rêve de visiter, pays natal de son papa malheureusement aux abonnés absents. Il y a quand même une petite fête, un truc pour marquer le coup avec petits cadeaux d’intention spontanés avec deux trois photos sur facebook, parce que aujourd’hui, à quatorze ans une jeune fille moderne, si elle ne communique pas un minimum ben c’est l’exclusion sociale assurée non?…Tout cela en attendant le Pays Basque. Le Pays Basque, tiens donc, c’est, quelle coïncidence, l’endroit qu’a choisi Bruno, de Bercy, pour fêter l’anniversaire de son troisième fils qui a justement le même âge que Florence. (J’en profite pour préciser qu’il y a bien au moins un Bruno à Bercy mais qu’il n’y a aucun Bercy à Brno haut lieu de la création graphique à l’est, mais on s’égare, on s’égare… ) Je sais tout ça à propos de Bruno de Bercy et son fils car la presse satirique et volatile de notre bon pays s’est fait l’écho de cet événement qui a été étalé sur le compte instagram de Bruno.Précisons d’emblée que je n’ai aucun ressentiment envers le patron de Bercy, haut lieu du prestige de la République. C’est un type très intelligent que je trouve plutôt largement au-dessus du lot lorsqu’il prend la parole au moment des questions au gouvernement au palais Bourbon. Pensée claire , voix posée, élocution parfaite, pas de redondance. Un excellent politique quoi. Le genre à passer au travers des remaniements, c’est dire! En plus, ce type-là doit être un excellent époux doublé d’un père attentionné,c’est sûr.  Sur cette instagramisation événementielle de la vie privée d’un ministre il y a peu de choses à dire en fait que je n’ai déjà maintes fois évoquéescitant inlassablement Baudrillard qui, il y a bien longtemps déjà, voyait dans cet étalage de la vie privée la véritable pornographie d’aujourd’hui, celle qui rend le visible plus que visible. Non, ce qui me troue le cul, comme dirait la fourmi espagnole dans le fameux proverbe cité par un grand écrivain dont je me ferai le devoir de citer le nom à qui m’en fera la demande, oui, ce qui me troue le cul, c’est qu’il y ait 83 900 personnes pour suivre cette information qui n’a d’autre intérêt que familial. 83900 personnes dont la vie est si vide qu’elles passent leur temps à la remplir avec les évènements familiaux d’un homme qui leur est parfaitement inconnu! Pathétique non? Au passage on est en droit de s’étonner que la femme qui a mis au monde l’enfant dont l’anniversaire fait l’évènement, l’autrice des jours du joyeux adolescent ne soit ni évoquée ni même associée à l’évènement. Mr le ministre prend bien soin dans son message d’utiliser le pronom possessif de la première personne du singulier alors que celui du pluriel aurait permis d’associer l’autrice des jours de l’enfant médiatiquement célébré.Qu’en pensent nos amies de la police de la pensée, toujours à l’affût de ce genre de maladresse, de  bourde?…Maladresse? Le type est normalien, il fait partie des rares politiques à vraiment écrire les bouquins qu’il publie.Combien sur les 83900 sont-elles allé demander des nouvelles de la maman? Ambiance… Bon, mais la question que se pose maintenant mon cul bien troué face à l’appauvrissement de l’âme de mes frères et soeurs humains, pas seulement ceux qui après nous vivront mais ceux qui survivent aujourd’hui dans cette médiocrité des réseaux qui virent à la crétinisation absolue, n’est pas tant comment a-t’on pu en arriver là, que quand cela va-t’il nous péter si fort à la gueule qu’on ira tous nourrir les fourmis alors qu’il n’y aura certainement plus guère d’éléphants . Quand ?…