Dessins sur ordonnances

Je suis allé chez le médecin. Maintenant que je suis enfin titulaire d’une carte vitale, autant en profiter car mon bilan de fréquentation médicale est aussi maigre qu’un vegan en vacances en Argentine où le culte du bœuf à toutes les sauces est roi. Une fois les politesses d’usage sur la nature du bon vent qui m’amenait en son cabinet, il me fallut lui en expliquer la raison. Elle tenait en un seul mot, la langue. Non pas le muscle qui me sert à parler expliquais-je au brave homme alors qu’il me demandait de la tirer en ouvrant bien grande la bouche mais celle qui me sert d’expression, le reflet de mon âme, celle dont la réputation est la meilleure et la pire des choses; la langue française. Et d’expliquer à l’homme de l’art qu’à force de jouer avec les mots ils se sont mis à me jouer des tours et c’est un tel désordre dans ma pauvre tête que j’aurais bien besoin d’une ordonnance dont le principe comme son nom l’indique est bien de remettre de l’ordre dans les choses y compris celles du vocabulaire et de la syntaxe. Force est d’admettre que le brave homme m’opposa  une moue fort dubitative car ainsi qu’il le reconnut bien volontiers mon problème dépassait de loin le champ de son expertise qui pourtant était vaste. A son avis cela relevait plutôt d’une autre académie que celle de médecine, plutôt la justement nommée académie française où bon nombre de docteurs siégeaient quoique atteints pour bon nombre d’entre eux de pathologies peu recommandables.Mon cas semblait bien mal engagé quand le brave homme eut un éclair de génie.il me fit une ordonnance au contenu d’une banalité quelconque à l’intention de la pharmacienne de notre village, celle dont le pull moulant, sous l’étoffe d’une blouse fort seyante au demeurant laisse deviner deux galbes rubensiens à la rotondité parfaite et qui, incroyable  coïncidence, porte au neuvième art un intérêt des plus vifs. Il me conseilla  de trouver les mots justes pour  l’inviter au festival de bande dessinée qui se tiendra cette fin de semaine place Kléber dans les salons de l’Aubette. “vous y parlerez dessins” me dit-il “vous lui montrerez les vôtres mais je doute fort qu’elle se laisse aller à vous montrer les siens”…Ah, le bon, l’excellent homme, vraiment …

Bulles et boules

Revoilà octobre, sa météo de fin août début septembre et son absence totale de vent qui est pourtant sensé faire craquer les branches si l’on en croit le poète auquel on doit, par politesse, respect et compassion, toujours donner raison. Samedi et dimanche nous serons une bande d’une dizaine de dessinateurs assistés de quelques marchands à essayer de faire craquer les porte monnaie des amateurs d’ouvrages dessinés qu’ils soient sous forme de bandes ou non place Kléber dans les salons de l’Aubette, haut lieu culturel de la ville de Strasbourg. La manifestation s’appelle strasbulles car elle se passe à Strasbourg et il y est question de bulles, pas de savon car ce serait à Marseille mais de dessin. Le mot savant et technique est phylactère mais non seulement le type  de l’association qui voulait appeler ça “Strasphylactères” a disparu quelque part au fond de l’Ill mais aussi Strasboules était le nom déposé du championnat régional de pétanque du Bas-Rhin dont tout le monde se fout depuis que la seule boule dont Strasbourg est entichée, chacun le sait, est la boule de Noël.L’entrée de cette manifestation de haute teneur artistico-commerciale est gratuite et nous dédicacerons nos ouvrages avec ferveur, joie et talent. Pour les plus prodigues d’entre vous qui savent, à juste titre, que le plus dur dans un budget d’artiste c’est les vingt huit derniers jours du mois il y aura de quoi nous offrir une limonade ou un café. Pour ceux qui s’enorgueillissent du statut de mécène, il y a pléthore au dehors de tables au statut gastronomique fort justifié quoique pour certaines quelque peu usurpé.. Venez comme vous êtes puisque on sera comme on est …

La cinquième illusion

Les illusions c’est comme les clés de voiture, les lunettes ou, aujourd’hui, le téléphone portable. On passe son temps à les perdre et à les retrouver. Parce que finalement, quand on y pense, on égare bien plus qu’on ne perd. Et pourquoi? parce qu’on ne sait pas voir les choses. On ne sait plus regarder. Aussi a-t-on besoin de quelqu’un pour nous aider à les retrouver et à nous y retrouver. Une rencontre de circonstance fatalement providentielle qui voit mieux que nous, qui voit pour nous. Et c’est comme cela pour tout tout dans la vie. Prenez l’espoir par exemple. L’espoir c’est un petit lapin blanc qui gambade dans la prairie derrère chez vous. Mais ça fait quelque temps que vous ne l’apercevez plus. Il faut dire qu’il fait un temps pourri à ne pas mettre un petit lapin dehors, tantôt caniculaire, tantôt inondé. Et soudain, alors qu’on n’ y voyait pas à dix mètres la minute d’avant, le voilà qui apparaît le petit lapin blanc gambadant en plein soleil au milieu de ce qui en l’espace d’un instant est passé de l’état de paysage après la bataille à jardin de roses, comme par magie. Magie c’est le mot mais ce serait plutôt de tour de passe passe qu’on devrait parler ici,  même si derrière tout cela il y a une sorte de magicien, un maître des illusions, au physique attractif, à la tenue grandguignolesque, à la gestuelle inimitable qui vous en met plein la vue. Son métier, sa vie son sacerdoce c’est vous prouver à vous que rien n’est jamais perdu quand on s’en remet à des types de sa prestance, de son aura, de son charisme à l’humour poissondavrilesque. Un type qui sait voir les choses, un visionnaire !Car ce n’est pas donné à n’importe qui de sortir  un petit lapin blanc d’un chapeau sans même une baguette magique n’est ce pas? Juste en claquant des doigts et en prononçant quelques mots d’une formule magique bien rôdée aux éléments de langage sans cesse renouvelés et qui chaque fois vous bluffent avec la même efficacité; croissance, emploi, sécurité, égalité, solidarité etc etc…( c’est très important l’etc et ce qu’il y a de plus important dans l’etc c’est bien le caetera)Le chapeau d’où l’illusioniste en chef fait surgir le petit lapin blanc porte le joli nom de République, avec une majuscule s’il vous plaît  car c’est un nom propre, même si malheureusement il arrive qu’on l’écrive d’ une graphie dégeulasse. c’est le cinquième chapeau du nom que se refilent les illusionnistes de tous bords qui œuvrent sur la grand scène de la garenne nationale. Et chaque fois il y a un petit malin, applaudi à tout rompre dès son apparition sur scène, qui nous refait le coup du petit lapin blanc qui surgit comme par magie du chapeau, fait trois petits bonds et puis disparait sous les hourras d’un public bien encadré par une claque terriblement efficace. Mais ces derniers temps la fréquentation est en baisse croissante et ça en devient plus que souciant, inquiétant. A un point tel que les organisateurs du show craignent pour l’avenir du chapeau et celui du  petit lapin, qui risquent de finir aux objets trouvés de l’ Histoire (également avec une majuscule s’il vous plait car c’est aussi un nom propre) avec personne pour venir un jour les réclamer.

Un si bel automne plein d’encre

Ce samedi je serai à Scherwiller chez les Compagnons d’Emmaüs où se tiendra “Compagnons d’encre” un festival culturel et solidaire  haut en couleurs, mêlant tatoueurs, musiques du monde, spectacles vivants ainsi que des expositions et ateliers artistiques. Cette manifestation se déroulera samedi et dimanche. Dimanche je serai à Waldolwisheim à la traditionnelle fête du bio avec plein d’exposants amis qui produisent de belles et bonnes choses. Nous ne manquerons pas , bien sûr, d’échanger sur les récents effets de manche de notre bon monarque concernant ” l’écologie sans contrainte ” d’où l’ agriculture  était joyeusement et prévisiblement absente. en attendant , quelques dessins de la semaine passée, les parutions quotidiennes reprendront lundi 

Une aussi courte absence

J’ai suivi avec intérêt , bien sûr, l’actualité des dix derniers jours qui était très inspirante. J’étais éloigné dans un royaume scandinave heureux de jouer mon rôle de grand-père, -( En suédois le père se dit far , la mère mor le père de la mère (c’est moi ) se dit donc morfar, la grand mère maternelle sera donc mormor , le grand père paternel étant farfar et la grand mère paternelle farmor. Simple non? Le premier qui me dit qu’il n’a pas suivi, c’est qu’il n’a rien appris à l’école.)-Hélas une défaillance technologique ne m’a pas permis d’envoyer mon dessin quotidien mais je me refais  là, maintenant que je suis de retour en République . Quelques dessins sur la visite de Charles et François puis le débat du moment sur le harcèlement à l’école.Demain , l’actualité de fin de semaine riche en rencontres et manifestations.

Lourdingue mais pas forcément mauvais

Nous autres dessinateurs avons une chance inouïe , nous ne nous ennuyons jamais avec nous même grâce à ce dialogue ininterrompu avec notre crayon que nous poursuivrons jusqu’ au bout, jusqu’à la fin . Pas celle des haricots car dans ce métier on mange beaucoup de pâtes mais celle de notre histoire. Il paraît que le papier va se raréfier, mais il paraît tellement de choses de nos jours  il paraît même que dès qu’on se permet une petite blague un peu navrante et décalée il y a toujours quelqu’un  pour aller rapporter à la muse qui très fâchée ne se prive pas de sévir quelquefois même avec violence. Le féminini inspirant a souvent des réactions assez piquantes quand on aborde certains sujets. La muse est souvent nue et si elle porte des lunettes c’est qu’elle n’est plus toute jeune et a vu tellement de conneries que ça lui a forcément abîmé la rétine . Si elle est en colère  c’est forcément à propos de blagues tournant autour de l’anatomie féminine. Aussi faut-il faire avec et attendre que ça passe.Surtout ne rien promettre qu’on ne saurait tenir. Elle a un sixième sens pour les obsédés du graphite anonyme qui n’arriveront jamais à se sevrer.  Bah tout cela est vite oublié dès qu’on se met à crayonner de la douceur, de l’acidulé, du barbapapa de fête foraine graphique…parce qu’on aime aussi quand ça dégouline de mièvrerie bucolique. On aime tout en fait, c’est un genre de fatalité propre au dessin sous toutes ses formes qui fait que la vie est tellement généreuse même quand on se laisse aller à être un peu idiot…un brin lourdingue mais pas foncièrement mauvais et surtout sans jamais ,ô grand jamais, l’intention de nuire.

La courte échelle de Benjamin Franklin

Une échelle c’est le contraire d’une bonne blague. Non seulement les courtes ne sont pas forcément les meilleures ou les plus utiles, mais surtout ce sont les moins casse-gueule. Alors qu’une blague bien pourrie est toujours susceptible à un mec qui manque d’humour de venir casser la gueule au malheureux pitre qui l’a faite. Je continuerais bien là, exemples à l’appui ,mais on risque d’atteindre un peu prématurément le point godwin alors on se calme. Tout cela pour en venir au fait qu’une échelle de petite taille dite “courte échelle” dans le langage populaire n’a rien à voir avec deux barres parallèles de longueurs modestes mais égales qui seraient reliées tous les trente centimètres environ par des barreaux de longueur réduite fixés perpendiculairement.
Non, la courte échelle serait une invention de cour de récré ou de chapardeurs de pommes nécessitant deux gaillards en culottes courtes qui compensent leur petite taille par le positionnement de l’un juché sur les épaules de l’autre afin de pouvoir s’approprier un bien qui n’est pas à leur portée pour cause de taille réduite. Les avis divergent quant à l’origine de cette pratique. Personnellement je tiens d’un vieux dessinateur américain (c’est assez impressionant ce que j’ai pu rencontrer, dans ma vie, comme vieux dessinateurs américains) qu’elle fut inventée par Benjamin Franklin et un camarade d’école qui trouvèrent ce subterfuge ingénieux afin d’aller reluquer la grande soeur du copain par la fenêtre de la salle de bains qui était restée entrouverte. Cette expérience fut déterminante dans la vie de Franklin qui frustré de n’avoir vu que le visage de la belle totalement immergée dans la mousse de son bain pensa à inventer la douche avec pommeau d’arrosage supérieur qui permet à la douchée de se tenir sous le ruissellement bénéfique pour le corps et constitua de par ce fait la providence des voyeurs jusqu’au jour malheureux ou un peine à jouir de quaker inventa le rideau de douche opaque auquel Alfred Hitchcock donna ses titres de noblesse  quelques années plus tard (en 1960 pour être exact) sur une musique inoubliable de bernard Hermann. Tout ça pour vous dire que, si la courte échelle à deux c’est déjà pas évident, ça me semble mal barré d’imaginer plusieurs individus juchés les uns sur les autres pour tenter d’aller décrocher la lune. Aussi ais je bien peur que ça ne soit leur juchement dernier. 

Les sondages ont bonne mine

Les sondages c’est comme l’érection passé un certain âge.  On a beau se dire que tout est dans le mental, entretenir la forme,  avoir recours à la chimie bénéfique rien n’y fait ou si peu. Bien sûr on n’est jamais à la merci d’une bonne surprise matinale, un durcissement de la position plutôt qu’un tassement , on peut toujours rêver. La jeunesse est là, arrogante dans sa bonne santé, sa forme olympienne qui risque d’être décisive dans une année olympique. J’ai l’air de me moquer mais pas du tout, je suis sincèrement admiratif  toutes tendances confondues quand je vois des types qui sont dans ma tranche d’âge se taper un tel marathon pour finir écrabouillés par la cruelle sanction de  l’évaluation des chances de finir dans le doublé final. Je ne vois qu’une explication ; “si la lutte vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme ” la bataille pour remplir l’urne doit sacrément avoir le pouvoir de durcir le contenu du slip. La politique comme aphrodisiaque, ça doit être ça.  alors c’est pas demain la veille qu’on va avoir un dessinateur à l’Elysée, nous finalement on s’en fout , que la mine soit dure ou molle du moment qu’il y a de la beauté à dessiner, Personnellement ma préférence va au graphite assez dur, 4H c’est assez agréable pour attaquer après on peut se laisser aller dans du plus velouté genre 2B ou 4B , l’idéal pour la mollesse en attendant de reprendre avec un petit peu de retour à du demi dur genre 2H et puis si tout ça ne va pas , n’est ce pas , ben  on efface tout et on recommence car on a bien pris soin d’apporter la gomme. très important la gomme. Pour ceux qui l’auraient oublié on doit à un français génial, Nicolas Conté l’invention du crayon moderne idée géniale qu’il avait trouvée pour contourner le blocus britannique qui à l’époque en guerre avec notre belle révolution avaient le monopole du graphite utilisé dans la fabrication des crayons. Mais alors, me direz vous, comment expliquer que cette invention française ( brevet numéro 7 paraît-il déposé à la convention ) a des appellations en anglais ; B pour black, H pour hard et Hard Black pour HB . Je n’ai pas encore trouvé d’explication autre que celle d’un vieux dessinateur américain qui du temps de ma jeunesse studieuse m’avait avoué que les français avaient été trop cons pour vraiment prendre conscience de l’énormité de cette invention et qu’il était allé ,le Nicolas, en proposer le développement à l’anglais perfide. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour mes aînés surtout quand ils me renvoyaient   l’image de la manière dont j’aimerais vieillir: la tête dans les nuages et rien à battre de mon slip !

Parole de président

Des êtres humains, au péril de leurs vies, traversent une mer en pensant qu’ils ne sont pas nés du bon côté. Puis, arrivés, ils se rendent comptent qu’il faut aussi être né du bon côté de la rue…