Hansi soit-il !

Il ne sera que brièvement question ici de la récente et scandaleuse éviction d’un éditeur breton du salon du livre de Colmar ainsi que de la petite agitation médiatique qui s’en suivit sur les réseaux. Les gens qui président aux destinées d’un salon du livre jouissent d’une prérogative considérable à laquelle aucun économiste ou homme politique ne peut prétendre ; ils se paient le luxe d’être des malthusiens intraitables et décomplexés qui décident face à un trop plein d’auteurs de ceux qui ne vont plus être là. L’épisode breton, loin d’être le dernier de la sorte, est bien révélateur de cet état de fait : une main-mise des disciples de Malthus sur le folklore alsacien par des thuriféraires qui ne pouvaient rêver de région plus belle pour développer leurs thèses et les faire prospérer.

C’est toute une région qui, avec sa culture et ses traditions, est devenue le vaste territoire d’une expérimentation de la labellisation à outrance de produits et d’évènements, cela au moment même où son âme et son identité n’ont jamais autant été dépréciées. L’une des récentes manifestations de cette dérive pleine de confusion vient de s’étendre au cycle fatal des multiples commémorations liées au centenaire du premier conflit mondial. Il s’avère en effet assez difficile de percevoir une pertinence quelconque à des commémorations quand une institution régionale propose de les labelliser dans une ambiguité plus que douteuse, comme autant de produits de consommation courante. La région Alsace partenaire officiel de votre mémoire ! Sous peu on pourra assister à une célébration de l’armistice éco-durable avec bilan carbone positif grâce aux anciens combattants venus en autocar hybride avec drapeaux et couronnes recyclables. Pathétique.

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Je n’ai jamais ressenti aucune sympathie pour Malthus et ses disciples post-modernes, qu’ils siègent au Conseil régional, à la mairie de Colmar ou à sa bibliothèque. Ce qui me dérange dans le manège ce n’est pas la mauvaise musique qui accompagne son mécanisme, ni même que ce soit toujours les mêmes qui attrappent le pompon, mais bien qu’il y ait un horrible qui décide de qui va prendre place ou non sur les chevaux de bois ! Il faut en finir avec tout ce folklore menteur, cette mise en scène affligeante de la crétinisation populaire au nom de la croissance et du seul intérêt économique que peut représenter le tourisme de masse. Tout ce que l’Alsace compte de décideurs sont en train de transformer le calendrier de la région en autant d’évènement gastronomico, mémorio- culturels qu’il y a de samedis et de dimanches dans l’année civile alors que sa langue et son identité sont bradées et moquées sur l’autel mille fois profané du jacobinisme triomphant. L’âme alsacienne c’est le paradoxe des trous dans le gruyère ; plus il y en a , moins il y en a… Certes, mais Colmar? Oui Colmar, son salon du livre nettoyé par ses groupies malthusiennes de ses alsaciens, de ses lorrains et de ses bretons indésirables… Et bien allez-y à Colmar voir tous ces parisiens venus pour l’ouverture des marchés de Noël et si fiers d’aller chanter l’internationale dans vos winstubs! C’est tellement exotique Colmar le temps d’un samedi et d’un dimanche! Et puis nous serons en novembre, la mairie aura eu la délicatesse de laisser des drapeaux français  trainer un peu partout au gré du vent de l’avent.  Les commémorations, vous savez bien… Ce sera d’un chromatisme  acidulé et sirupeux,  on se croira dans une carte postale de Jean-Jacques qui aimait tant à dessiner l’oriflamme tricolore un peu partout tel l’enlumineur officiel de la parousie jacobine à venir… Hansi soit-il ! Et puis,faites comme bon vous semble ! Il est de toute façon trop tard, car il ne fallait pas.

Il ne fallait pas mentir à l’enfant que j’étais, innondé de bonheur sur le toit du monde qu’offraient les épaules de mon jeune père me promenant par les rues de la ville rayonnante de paix. L’enfant si fier de lui montrer non pas tous les bateaux, tous les oiseaux ou tous les soleils…mais sur tous les frontons au hasard des rues et des places, ces trois mots gravés que depuis le matin même il pouvait enfin déchiffrer ; liberté papa, égalité papa, fraternité papa!

Il ne fallait pas.