La République des Pères Noël

Le temps d’envoyer cette chronique au magazine, dʼimprimer ce magazine, de le confier au diffuseur de presse, qui le portera au kiosque, qui vous le vendra et ils seront là, de retour ! Qui ça ? Les bonnets rouges pardi ! Pas ceux de la grogne bretonne mon gars, pas le petit millier de phrygiens à cocarde jacobine qui font trembler le premier gouvernement de la république venu, non ! Ceux du barnum décembriste alsacien ! Pas de danger quʼils révolutionnent quoi que ce soit ceux là… Deux trois vins chauds dans le nez et dégagez… Que ça fume ! À lʼannée prochaine et merci dʼêtre venus ! 2,6 millions dʼentre eux quʼon nous annonce. Pour une fois que les organisateurs de la manif’ et la préfecture sʼaccordent sur les chiffres, cʼest suffisamment rare pour être salué et applaudi, non ? Je vais  être franc. Jʼaurais volontiers secoué tout le cocotier de cette agitation mercantile, mais quʼen serait-il tombé, honnêtement ? Quand l’aberration atteint ce degré de non-sens,  on ne voit rien, à part une éradication totale de la surface du globe comme alternative la moins radicale… Lʼune des seules régions où le temps de Noël avait su garder une réalité ancrée dans la tradition sʼest vue récupérée à un tel degré dans la dérive consumériste que le vocabulaire me manque pour décrire la situation en termes adéquats. Aussi, il y a le fait que cette soupe mʼa nourri depuis longtemps déjà, alors à quoi bon encore une fois y balancer mon glaviot de fiel, alors que trop dʼentre vous depuis bien longtemps ont cessé dʼy goûter. Profitez-en, restez chez vous. Laissez la rue aux encapuchonnés pourpres à demi lobotomisés.

La lutte est vaine et inégale. On a perdu. On perd toujours face aux marchands, quel que soit leur temple. On avait déjà perdu depuis longtemps . Depuis ce fameux après-midi où Johannes Pflimmer, du haut de sa chaire, avait condamné le marché de la Saint-Nicolas. Ce suppôt de la papauté, pas du tout en odeur de sainteté dans lʼEglise réformée. Que les marchands de lʼépoque l’aient débaptisé, pour le transformer en marché de l’enfant Jésus en profitant au passage pour en étendre la durée, aurait dû nous rendre plus vigilants… C’est de ce jour là qu’on a en quelque sorte perdu la partie… Bientôt la date emblématique de la libération de Strasbourg, seul verrou qui permettait encore au marché de Noël de ne pas commencer plus tôt que le premier dimanche de l’avent pour cause de commémoration, elle aussi sautera sous la pression du lobby de la fête et du pinard réchauffé  joyeusement réunis. La maladie rouge gagnera et gangrènera tout le calendrier pour l’état de Noël permanent. Bruxelles peut bien se les prendre les institutions, tout le monde s’en foutra comme de l’an quarante, puisque dans ce pays on s’en fout autant des victoires que des défaites. Ce sera le bonheur vous dis-je , le nirvana. La vague carmine ! la parousie vermillonne ! Une république autoproclamée des pères Noël totalement légitimée par des promesses électorales qui n’engageront que ceux qui les auront inscrites infantilement sur leur liste de cadeaux. Je sens la déception poindre sur le visage du seul rédacteur en chef chez lequel je jouis d’un crédit anorexique… Pour sûr, il va trouver que la gnaque me manque… Que la trêve s’est emparée de moi, comme  la plus sucrée des confiseries du pire des mauvais coucheurs… J’avoue, je faiblis. J’avais tant de pavés dans la besace et la voilà tout à coup qui me pèse à n’en plus pouvoir penser qu’en mode ramolli… On range les frondes au fond des tiroirs sans regretter toute cette agitation qu’on s’était promis de brasser. Je nous donne jusqu’à janvier. Mais je préviens, y a intérêt à ce que je sois gâté sous le sapin sinon je vais être féroce comme cent cannibales. Allez joyeux Noël les élus et joyeux Noël les électeurs. Arrêtez de caresser la tranche de votre carte électorale en regardant la nuque de votre maire et rangez la bien au chaud au fond de la commode. Mars sera là bien assez tôt!

Et d’ici là, n’oubliez pas, le petit nouveau est arrivé :

COUV_envoi hebdiPrésenté et dédicacé tous les jours au Caveau Sainte-Barbe à Sélestat jusqu’au 29 décembre !