Rien ne Presse (régionale et nationale)

Une duchesse dont le quotidien est de donner de sa personne en représentation permanente se fait surprendre dans le plus simple appareil par l’appareil, complexe celui-là car photographique, d’un professionnel de la presse à sensation. L’émotion, l’indignation et la colère sont grandes chez nos voisins d’Outre-Manche, où l’on est facilement outré en dessous du chemisier pour peu qu’une royale poitrine soit concernée.
Cela peut surprendre de la part d’un pays dont la presse revendique, avec fierté, l’invention de la fille qui se déshabille en page trois de son quotidien le plus diffusé et dont la jeunesse féminine dans un récent sondage affirmait préférer, si la possibilité lui  était offerte, un bol mammaire surdimensionné et un quotient intellectuel amoindri à, pour faire rapide et populaire, une grosse tête et de petits seins. Le mateur de joyaux naturels de la couronne d’Angleterre déplorera donc la décision de justice sanctionnant, à juste titre, cette incursion dans la vie privée de la famille royale, avant d’aller se rabattre sur des sites scandinaves spécialisés. L’historien amateur quant à lui se félicitera que la morale et la pudeur soient plus de mise chez les Windsor que chez les Tudor. Cela dit, la technologie de l’époque n’a pas permis de fixer pour l’éternité Anne Boleyn bronzant en intégral sur les pelouses des jardins royaux ou galipettant avec son queutard obsessionnel d’Henry, auprès duquel les frasques d’un ancien directeur du Fonds Monétaire International passeraient pour des galéjades de collégien sur fonds de kermesse provinciale.
Pendant ce temps, sur le continent de Dédé la saumure et de l’exil fiscal réunis, une autre colère gronde. Un directeur de journal satirique qui faute d’avoir la fortune de la famille Rothschild nourrit la même ambition que l’un de ses fils les plus illustres, c’est-à-dire  vendre du papier avec plus ou moins de talent à travers un titre de presse, profite de l’actualité pour balancer quelques effronteries vite qualifiées de blasphématoires.
On s’émeut, on fulmine, on vitupère, on globalise dans l’effroi et la menace. L’agitation gagne la planète. Le loup des steppes hurle, le tigre d’Asie feule, la huppe américaine pupulle et la souris dans les bureaux de Charlie Hebdo chicotte, car il n’y a plus de papier à se mettre sous la dent , les soixante-quinze mille exemplaires ayant été vendus et quatre vingt dix mille autres en réimpression. Depuis quinze jours et l’affaire du plus riche exilé de France, caricaturé à la une du quotidien d’Edouard, les médias ne parlent que de médias. La France est ainsi ce beau pays où des copains parlent de leurs copains à des lecteurs et téléspectateurs copains. La vie est belle comme une bande de copains qui se fréquentent depuis longtemps. Quarante-quatre ans pour tout dire. Au joli mois de mai plus précisément, furieusement occupés qu’ils étaient, pour reprendre la jolie et si lucide formule de Georges Wolinski, “à ne pas devenir ce qu’ils sont devenus”…
La météo syrienne est au beau fixe, l’amitié entre Tel Aviv et Téhéran vire à la romance, et l’euro coule des jours heureux. Certes il y a bien ce début d’enquête sur les OGM publiée dans un magazine d’audience nationale qui risque de vous interpeller pour peu que vous ne vous y intéressiez. Mais comme on dit en conférence de rédaction : “rien ne Presse”
Que retenir de tout cela?
D’abord qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été un élève assidu de Bergson pour comprendre qu’il est plus facile de fermer vingt ambassades légitimes dans un temps court qu’une centrale nucléaire usurpatrice dans un temps long.
Ensuite, qu’en matière de tétons couronnés les seuls amateurs, au sens noble du terme, autorisés à immortaliser la forme dans sa beauté naturelle, sont les princes héritiers.
Enfin que la grande distribution a dépensé une fortune pour nous révéler, preuves scientifiques à l’appui, que la daube qu’elle nous fourguait depuis des décennies va tous nous faire clamser.
Il y a donc des bonnes et des mauvaises nouvelles.

Les bonnes c’est que, sans paraître blasphématoire, on ira tous au paradis.
Tous. Toutes religions, confessions, dogmes confondus. Tous.
Les mauvaises nouvelles : on y va tous, mais on y va maintenant.