LETTRE OUVERTE à GILBERT “CHARLIE” MEYER

Ci-devant maire de Colmar.

Cher Gilbert “Charlie”

J’espère que tu ne te formaliseras pas outre mesure de ce tutoiement un peu cavalier. J’ai lu le témoignage émouvant de ta “légitime indignation” dans le tract néo libéral de ce jour et comme visiblement tu semblais avoir rejoint la cohorte innombrable des “Charlie”, je ne juge pas déplacé d’adopter ce ton, assez familier mais de mise, entre confrères. Maintenant qu’une immonde et innomable saloperie semble t’avoir ému et transformé tel Paul sur le chemin de Damas, ON se sent soulagés… ON ? Tu sais bien qui est on, non ? On, c’est la joyeuse bande de Charlies que l’ardent défenseur de la liberté d’expression récemment converti que tu es ne va pas manquer de rappeller sur le salon du livre de sa ville d’où il les avait scélératement virés les uns après les autres. Pour faire de la place aux nouveaux copains parisiens de ses bibliothécaires serviles et de leur ténor de commissaire, si fier d’aller pousser l’internationale dans les winstubs colmariennes. On, c’est une sacrée liste. Je ne te ferai pas la honte de te l’énumérer, tes gentillles assistantes tiennent leurs dossiers à jour. J’en suis sûr. On, c’est aussi l’équipe de Heb’di, seul journal satirique alsacien, qui est bien rassurée maintenant de savoir que tes propos excessifs et menaçants, tenus sur leur stand en présence de ton adjoint à la culture, n’étaient dûs qu’à un moment d’égarement. On est tous rassurés maintenant, n’est-ce-pas ? Tout ça c’était du temps où tu t’appellais Gilbert. Maintenant que tu t’appelles “Charlie”, on oublie tout ça, net? On savait bien que, quelque part, l’esprit du grand Voltaire soufflait dans ta direction.

J’ai toujours eu confiance en toi et, pas plus tard que tout de suite, je viens de dire à Thierry Hans qu’il jette au feu la chronique assassine qu’il allait te consacrer. Oubliées les querelles, net ? Les mensonges, les pinnochiades, les fariboles… Mes copains éditeurs et dessinateurs sont, comme moi, convaincus que toutes ces ambiguités vont être levées, que tu vas convoquer tes caniches dans ton beau bureau et leur demander de remanier tout le plan du hall où on était tous pas plus tard que il y a pas si longtemps. Pour nous faire mieux qu’une allée tiens : un hall. Un Hall Charlie ! Et attention, seigneur hein. Tous invités que je leur ai dit à ces incrédules… Si si ! Table d’hôte et tout ! … Plus fort que Voltaire, le Gilbert Charlie … Carrément Maximilienesque :”Si vous n’avez pas tout fait pour la liberté, vous n’avez rien fait !” Décidément, comme je le disais à quelques éditeurs encore un peu dans le doute, ce Gilbert depuis qu’il est devenu Charlie, il est trop fort.
Je le savais… Je l’ai su dès que j’ai lu ce matin qu’ “à la légitime indignation qui est la (tienne) doit succéder un sens aigu de (tes) responsabilités.”
Allez, mon vieux Charlie, on se tient au jus. Et on lâche rien, net ?

Je suis Pat Thiébaut