Un représentant en non représentation

L’élu est le représentant du peuple. Aussi, tout comme le fonctionnaire qui forcément fonctionne, le représentant de commerce, très généreusement payé, de la République se borne à représenter. On peut alors dire ou écrire, sans trop préjuger, qu’il est en représentation. Mais pour que nous électeurs, jouant un rôle prépondérant dans ce petit commerce, en ayons pour notre argent il nous faut quotidiennement nous informer des aventures palpitantes de ces représentants que nous avons élus pour qu’ils aillent en notre nom couper des rubans, manger des cerises, déguster des vins de qualité. C’est l’une des principales raisons d’existence, avec la publicité qui ne sert qu’à vous faire acheter des saloperies qui encombreront votre maison , de votre tract néo libéral aux allures de grand quotidien régional d’information. C’est pour cela qu’il est maintenant imprimé en quadrichromie; pour que vous puissiez immédiatement reconnaître le ruban tricolore que l’élu va couper d’un geste élégant ou l’écharpe tout autant tricolore qu’il arbore.
La petite fille généralement en costume alsacien, tout le monde s’en fout. Tout le monde connait la couleur de son costume, qui à l’époque était fait pour être identifiable en noir et blanc. De toutes façons, elle est toujours à une des extrémités de la photo à moitié raccourcie, car l’important c’est le type au centre qui coupe le ruban. C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’encombrement photographique est de plus en plus important dans votre journal au détriment du rédactionnel. En effet , nos élus ne faisant pas grand chose à part couper des rubans, il s’avère plutôt difficile, sans tomber dans une certaine répétition lourde de redondance, de décrire sempiternellement la même scène. Le folliculaire et son chef réac (rédac-chef si vous préférez) privilégient donc la représentation photographique à outrance. Il faut reconnaître l’avantage certain de cette ligne éditoriale dérivante depuis quelques années d’avoir ramené le temps de lecture du grand quotidien local de deux bonnes heures qu’il était il y a une vingtaine d’années à un gros quart d’heure aujourd’hui.
C’est en gros le temps qu’il me faut pour le feuilleter en buvant mon premier café en compagnie des quelques commentateurs de la vie politique locale qui forment le public de mon salon de thé de prédilection. C’est autant de temps de gagné pour la lecture religieuse du Figaro et de l’ Equipe. Aussi dimanche ai- je craint un court instant que le quota obligatoire de représentation photographique de mes élus ne soit pas rempli lorsque j’ai du constater avec stupeur, là sur deux photos illustrant un article presque pleine page, l’absence totale de mon député fraîchement élu aux cotés de notre incontournable président de région, ex ministre de l’invisibilité. Comment? On me tartine tout un article élogieux sur l’inauguration d’une nouvelle mairie avec les inévitables éléments de langage sur le développement durable et le député alsacien qui siège à la commission du développement durable de la nouvelle assemblée nationale est absent? J’hallucine, je crie déjà au scandale …
Je cherche déjà un téléphone portable pour appeler un contact qui me donnera le numéro de l’attaché parlementaire, qui me donnera celui du député, sans songer un seul moment à la centaine de copains qui dans la vallée ont son 06… quand soudain je prends la peine de lire la légende de la photographie : on m’y explique que les élus ont découvert les locaux de la mairie, mais surtout on prend le soin de préciser que le député Laurent Furst est absent sur la photo !!!
Ne vous demandez plus où l’on va, ni où l’on est. On est en plein dedans, et si vous en doutez encore , soit vous êtes aveugle soit votre système olfactif est grillé jusqu’au dernier neurone. Car dites vous bien que si il y a pire que mettre tous les jours un type en photo dans le journal c’est bien, le jour où il n’y est pas, de s’excuser de ne pas l’avoir mis . Comme si ce seul journal était destiné à sa seule lecture, à lui.
C’est ainsi que le dieu de la photographie est grand , Nicéphore Niepce et Laurent Furst sont ses prophètes et moi, je suis leur poil à gratter.

L’invasion rose…

A moins que vous n’ayez passé les trois dernières semaines victime d’un comas profond, il vous faut faire face à la cruelle réalité. La carte de France a définitivement changé de couleur. Le rose est à présent ultra dominant : Elysée, Assemblée Nationale, Sénat, la plupart des grandes villes, des départements et « presque » toutes les régions. Oui presque toutes, sauf celle située à l’extrêm(ité) droite de l’hexagone. L’Alsace reste donc imperturbablement bleue, certes avec ça et là quelques petites taches brunes disséminées, mais bleue; jusque dans sa représentation à l’Assemblée nationale. Aussi la question est-elle : « Que vont bien pouvoir faire nos élus, aujourd’hui totalement exclus du champ politique global, qu’ils n’ont pas fait alors que leur famille politique était aux commandes des différents appareils de l’éxécutif et du législatif ? » La réponse est simple comme l’adverbe qui l’illustre : rien. Nichts, nothing, nada, nitchevo !… L’illustration de cette vacuité impuissante nous est donnée à la lecture d’un article dans le toujours désopilant tract néo-libéral où l’on voit la crème de l’élite politique alsacienne s’adonner au geste hautement symbolique de la cueillette de cerises suivie de dégustation. Qu’un président de région , sénateur et ancien ministre de l’invisibilité ainsi qu’un député fraîchement élu n’aient rien trouvé de mieux dans leur emploi du temps que d’aller occuper le terrain médiatique dans une mise en scène digne de patronage, alors que partout le climat social se désagrège et l’inquiétude la plus grave agite les foyers, en dit long sur la conception qu’ils se font de leur rôle d’élu. Qu’un folliculaire qui à cette occasion (l’évènement était quand même la création d’une antenne de la chambre d’agriculture à Obernai ) aurait pu se faire l’écho du dynamisme d’élus locaux fortement impliqués dans la pédagogie et la ruralité (lycée et formations agricoles) mais préfère cirer les pompes à l’éxécutif en goguette, avec l’inévitable amalgame à la plus belle chanson de  la langue française, en dit encore plus long sur la qualité de l’information que l’on vous offre quotidiennement. Ne manquait sur la photo que la présidente du Comité Régional du Tourisme certainement occupée ce jour là à régler la future grande manifestation touristique de la vallée avec vainqueur d’un panier gastronomique à la clé… A moins que sa présence ne se soit révélée indispensable à Shanghaï , Moscou ou New-York afin d’y vendre le miracle économique du Noël alsacien…
Reveillez-vous et montrez à vos élus que vous ne dormez plus. Ils dormiront moins et vous dormirez mieux. C’est ainsi que le dieu des territoires d’Alsace est grand , Philippe, Marie-Reine et Laurent sont ses prophètes, et moi je suis leur poil à gratter…

Poil à gratter

Les électeurs de la sixième circonscription du Bas-Rhin ne se sont pas prononcés pour le changement puisqu’ils ont élu à l’Assemblée Nationale le suppléant de leur ancien député.Cependant, le verdict des urnes est souverain. Laurent Furst est donc notre nouveau député. Les médias tant nationaux que locaux ont déjà salué son élection avec l’objectivité coutumière source de toute leur crédibilité. Félicitons donc Laurent Furst pour son élection et souhaitons lui bonne chance pour les cinq années à venir. Il ne devrait pas avoir trop de mal  à s’illustrer mieux que son prédécesseur dont on peut consulter le bilan de la dernière législature sur un site citoyen (questions écrites et orales ainsi qu’interventions courtes et longues dans l’hémicycle frisant le zéro absolu, sans compter l’amende pour absentéisme…). Cette élection prévisible et confortable, lors d’un premier tour, ne doit pas masquer l’aisance toute relative avec laquelle le député l’a remportée. Car de quasi stalinien qu’il était en deux mille sept (que ne nous a-t-on pas banané avec ce meilleur score de France), il est devenu relativement précaire avec un petit point quasi anorexique  d’avance en deux mille douze. Mais notre député se veut rassurant , nouvel élu  siégeant dans une opposition salement amputée de ses forces vives, il va avoir « tout le loisir« , ainsi que le déclarent ses folliculaires dans le tract néo libéral local, de s’occuper de sa circonscription.

Eh oui, vous pensiez avoir élu un député et vous n’avez élu qu’un super conseiller général. Préparez vous à le voir sévir avec zèle et efficacité dans l’art et la  technique de la découpe de ruban lors de manifestations officielles locales avec une frénésie telle que la pression sur le nerf médian suite au maniement à répétition de la paire de ciseaux risque fort de le mener à une opération du canal carpien. N’ayez crainte; tout représentant de la nation jouit d’une couverture sociale exemplaire et le notre est directeur d’hôpital…

De totalement inexistante il y a cinq ans une opposition visible et crédible a vu le jour. Pour moi elle s’est manifestée  de manière concrète en la candidature de Jean Vogel pour Europe Ecologie Les Verts, qui avec près de dix pour cent des votes exprimés réalise le plus haut score national d’un candidat écologiste autonome (sans l’apport du PS). Décidément cette circonscription est celle des records…Aussi est-ce pour cette famille politique que dorénavant j’inviterai à voter lors des prochaines consultations électorales et ce groupe de personnes que j’inviterai à rejoindre régulièrement lors de rencontres ou de manifestations dans notre circonscription afin d’essayer de colorer un peu autrement notre vallée, politiquement parlant bien-sûr.

Cette ambition modeste ne devrait , à priori, pas poser de problème majeur étant donné que nous vivons dans un authentique désert culturel sans autre lien social que celui entretenu pendant des années de clientélisme par une presse servile uniquement occupée à cirer les pompes du pouvoir local afin qu’elles laissent le moins de traces possibles quand il lui bottera le cul.
C’est ainsi que le dieu de la sixième circonscription est grand, Laurent Furst est son prophète et moi je suis son poil à gratter.