Le réveil de la farce

Aux temps reculés du moyen-âge, le rôle du théâtre était essentiellement à la représentation et à la mise en scène du religieux et du sacré. Drames, mystères,  passions pascales, jeux de la nativité, de paradis et des rois fournissaient l’essentiel du répertoire que les comédiens jouaient en public. Les représentations pouvaient durer des jours entiers. C’est long même dans une perspective temporelle d’il y a mille ans. Surtout quand les ressorts dramatiques connus de tous ne réservent plus aucune surprise. Aussi les troupes eurent-elles recours pour conserver l’attention de leur public à un petit stratagème des plus subtils. Ca et là au cours de la représentation qui s’éternisait on intercalait de petites saynètes décalées dans un registre des plus  profanes allant de la satire à la grivoiserie. On puisa dans le vocabulaire culinaire pour désigner ces délicieux

interludes qui remplissaient une pièce de théâtre comme une “farce” pouvait le faire pour une viande ou une volaille. Le mot d’une richesse évocatrice certaine s’imposa avec le succès que l’on sait même si, sans être tombé en complète désuétude, il sonne un brin surrané.

C’est pourtant le terme approprié pour qualifier ces deux intermèdes de petit guignol qui en plein temps de l’avent sont venus rythmer le drame politique qui se jouait en direct sur la scène de ce pays à la laicité si lamentablement revendiquée en plein temps de Noël. Les deux farces de la COP21 et des élections régionales n’auront pas démérité dans le registre comique troupier au pathos ficelé gros comme une corde de pendu. Le réveil de la farce des régionales aura au moins eu le mérite d’attirer plus de spectateurs en deux dimanches dans les urnes que le septième opus tant attendu de la fameuse saga passée sous pavillon de la souris aux grandes oreilles. Mais fi de spectacle. Les représentations sont terminées. Nous voici en janvier, ses frimas enfin au rendez-vous, ses chiens qui aboient mollement au loin, ses chats qui ronronnent et ses souris qui dans les caves de certaines mairies du Nord ont bien de quoi chicoter joyeusement en se gavant de bulletins socialistes lâchement abandonnés entre deux tours.

La trêve est finie. Calez bien vos imaginations au risque d’en rendre indigestes les quelques miettes abandonnées des récentes galettes. Rentrez chez vous ! Gardez vos voeux et vos résolutions minables de militants désabusés, de laïcards post depressifs. Deux mille seize n’aura pas lieu. Seul deux mille dix sept compte !

Deux mille dix sept et son calendrier. Son évènement majeur. Cette aberration constitutionnelle, cette gangrène de la vie politique de la nation, ce furoncle sur le cul de la république qui, tous les  cinq ans, voit se jouer un drame qui nous ramène aux temps salement réactionnaires de la féodalité. J’ai fait un rêve comme disait l’autre. Un rêve particulièrement éprouvant. C’était le lendemain de ce drame terrible de novembre. J’ai révé qu’un chef d’état faisait admettre à un congrès réuni la necessité de privilégier le temps long de la réflexion et de l’intelligence au temps court de l’émotion sans pour autant négliger ce dernier. J’ai rêvé d’un chef revendiquant justement l’intelligence comme seule bataille à mener.

Soudain il devenait possible de faire du pédagogique à l’échelle d’une nation et de repousser cette élection mal bricolée en surmontant les incompréhensions et en anesthésiant les fausses peurs et les délires de tous bords, surtout les extrêmes et de toutes couleurs. Puis l’euphorie du rêve a tourné au cauchemar quand une bande de farceurs tous labellisés énarques ont compris qu’ils pouvaient perdre cette élection mais gagner la prochaine, la grande, l’indispensable, celle qui verrait leur chef en bonne position de garder son fauteuil d’homme providentiel. Le plus  éprouvant était, au réveil, de réaliser que cette farce était bien réelle.

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