Philippe roi du pétrole

Il y a quelques jours on pouvait voir dans l’outil de propagande officielle du pouvoir en place une photo en plan rapproché du président du Conseil Régional d’ Alsace chuchotant à l’oreille d’un personnage de premier plan du football alsacien. Aucun texte de légende sinon laconique daignant accompagner le document, on en était réduit à de vagues autant que multiples supputations. C’est aujourd’hui que la voix de son maître nous révèle la nature même de la confidence, ainsi que son montant, nous confirmant que c’est bien d’argent qu’il s’agit. D’argent public. Le Conseil Régional s’est engagé à verser une subvention de six cent mille euros, reconductible sur trois ans, au temple du foot alsacien qu’est le stade de la Meinau et son équipe dont on suit depuis bien trop longtemps, grâce à une presse plus que complaisante, le feuilleton navrant tant d’absence de grandeur que de décadence à répétition.
Et le papier de nous apprendre que cette subvention a été attribuée malgré un sondage (dont on ignore le montant) auprès de citoyens qui n’ont pas manqué de signifier leur désapprobation. Qu’importe, la région est si riche qu’elle n’en est pas à un contresens économique près et il y a belle lurette que les termes de démocratie participative ont été rayés des fiches d’éléments de langage du président par sa plume attitrée. La question de l’utilité du club de football de la capitale alsacienne, si tant est qu’elle se soit posée un jour, aujourd’hui ne se pose plus. Il ne sert strictement à rien. C’est ce qui se dit partout. Essentiellement dans le milieu du football amateur composé d’arbitres, d’entraîneurs , de responsables et d’élus sans oublier les joueurs. En résumé, tous ceux qui au non de l’idéal qu’ils vouent encore à un sport qui, malgré tout, les fait rêver, font en sorte que des gamins plus enclin à rester vautrés devant leur télé ou  zoner dans les rues viennent se frotter aux rigueurs de l’entraînement. Beaucoup de ces amateurs, pour la plus grande partie d’entre eux bénévoles, continuent à payer leur abonnement à la Meinau pour aller supporter une équipe qui est loin de briller au firmament du sport. Aucun élu n’osera l’avouer en public mais tous le confessent en privé : tout ce barnum ne sert pas à grand chose sinon à rien.
C’est un syndrome similaire à celui du bientôt décuple ou onzuple champion du monde de rallye. Sauf que lui, au moins, il gagne… Il gagne tellement ses courses et sa vie qu’il peut investir son argent dans un club de foot qui ne gagne pas trop, même à être connu. Et comme une partie de l’argent qu’il gagne lui vient indirectement des collectivités territoriales, en fin de compte c’est encore le contribuable qui paie pour ça… Si de riches et talentueux  sportifs croient en l’avenir d’un club de foot qu’ils se le paient, mais par pitié que nos élus arrêtent de se la jouer rois du pétrole ! Si le club strasbourgeois représentait un intérêt quelconque, il y a longtemps qu’un investisseur du Golfe ou un oligarque de l’Est l’aurait acquis pour le transformer en machine financière infernale et lucrative et en vitrine de rêve de la capitale alsacienne qui n’a bientôt plus d’européenne que le nom. Cela pour la plus grande joie des supporters. Bruxelles a-t-elle une grande équipe de foot ? Non ! à Bruxelles on bosse! Si le président de Région se sent en affinité avec cette équipe de foot, ça n’a rien de surprenant . Celle qu’il dirige est du même tonneau et il y cumule les postes avec un entêtement qui force l’admiration : coach, administrateur, arbitre et même joueur sur le banc de touche… Un joueur de premier plan appelé peu avant la relégation par un super président en fin de mandat qui n’a brillé sur le terrain ministériel que par son incroyable invisibilité. Le Canard enchainé avait salué ce transfert, peu élevé il est vrai au regard de ce qui se tramait alors en coulisse, en titrant avec son humour ravageur “le régional de l’épate”. Inutile d’aller plus loin dans la métaphore vous avez saisi toute la dimension poétique de la situation. Il me fallait bien caricaturer un peu afin d’obtenir quelqu’effet. “Le style” écrivait Daudet “c’est l’ exagération . Là je doute car il me semble exagérer si peu la réalité. Lors de la prochaine coupe des territoriales en 2014 il fera bon de se rappeler quelle équipe supporter si la région Alsace ne veut se voir menacée d’une relégation au fin fond du championnat amateur…
C’est ainsi que le dieu des subventions est grand, Philippe, comme les cinq premières lettres de son nom de famille l’indiquent, est son riche prophète et moi je suis son poil à gratter.